11è REI, EVDG, Mort pour la France
Michel Votchel, né le 16 décembre 1900, était le fils de Michaił VOTCHEL Wotschel et d'Ekatherina Schek. Il est de confession catholique et d'origine allemande
Michel Votchel présente des informations contradictoires concernant son lieu de naissance, selon les différentes sources disponibles :
Acte de naissance : Il est indiqué qu'il est né à Grintal (actuellement Mitschurine, dans le rajon Telmanowe, oblast de Donetsk, Ukraine).
Certificat d'identité (13 août 1924, Belgrade) : Il est mentionné comme étant né à Rostov, en Russie.
Acte de mariage (6 février 1926) : L'acte mentionne une naissance à Staro Karan, arrondissement de Marioupol, Russie (actuellement Hranitne, Ukraine).
Recensement des EVDG (1939) : Il serait également né à Rostov.
Michel Votchel a été baptisé le 17 décembre 1900, et ses parrains et marraines étaient Michel Knorr et Elisabeth Votchel.
Il avait probablement sept frères et sœurs : Jochanes, Walentin, Nikolay, Adam, Katharina, Lydia Wotchels, et Franciska Schek. Plusieurs d'entre eux ont été déportés en Sibérie entre 1937 et 1938, comme de nombreux colons allemands du sud de l'Ukraine.
Michel Votchel a intégré l'armée des volontaires pour lutter contre l'Armée rouge, en rejoignant le 1er régiment de fusiliers de colons allemands (1 полк німецьких колоністів). Vers 1920, l'Armée blanche a été refoulée vers la Crimée, puis évacuée en Turquie.
En 1924, Michel réside à Titel (Serbie), où il fait établir un certificat d'identité à la préfecture de Belgrade le 13 août 1924. Ce certificat est délivré conformément aux décisions de la Conférence gouvernementale organisée sous l'égide de Dr Nansen, Haut Commissaire pour les réfugiés de Russie, à Genève, du 3 au 5 juillet 1922.
Ce document lui permet d'obtenir un visa d'un mois pour se rendre en France.
Il est décrit dans ce certificat comme étant ouvrier, avec des cheveux bruns, des yeux bruns, un visage allongé et un nez rectiligne.
Après avoir obtenu son visa, Michel Votchel se rend en France, transitant par Jesenica (une ville située dans le nord de la Slovénie, près de la frontière avec l'Autriche) le 16 août, puis par Buchs (ville frontalière de la Suisse) le 17 août. Le 19 août, une carte d'identité lui est délivrée au centre des travailleurs de Tours, et le 29 septembre, son visa est tamponné par la mairie de Châlette.
À la suite de la Première Guerre mondiale et de la révolution bolchevique, des milliers d'Ukrainiens fuient les combats et l'Armée rouge, mais beaucoup sont aussi des soldats battus, ayant servi dans l’armée nationale ukrainienne jusqu'en 1920. Après la défaite, certains trouvent refuge dans les camps de prisonniers en Pologne et en Tchécoslovaquie, d’autres rejoignent les armées blanches et sont évacués par la mer Noire, en Yougoslavie, avant de parvenir en France.
La France, fidèle à son image de Patrie des Droits de l'Homme, accueille ces réfugiés, tout en répondant à ses besoins économiques : la guerre a réduit les effectifs de travailleurs français, et il est nécessaire de renouveler la main-d'œuvre. Dès 1922-1924, les réfugiés ukrainiens, principalement originaires d'Ukraine centrale, s'installent dans des régions industrielles comme la vallée de la Fensch en Moselle, la région parisienne ou encore à l'usine Hutchinson à Vesines-Chalette.
À la fin des années 1920, un autre groupe d'Ukrainiens, principalement issus de Pologne (Galicie), rejoint ces émigrés, s’intégrant à une grande vague migratoire polonaise. Ces jeunes paysans et paysannes cherchent à améliorer leur condition de vie et trouvent du travail dans les campagnes françaises.
Il est fort probable que Michel Votchel ait été embauché à l'usine Hutchinson. Après la guerre, l’usine de Langlée (quartier de Châlette) recrute massivement pour combler le manque de main-d’œuvre, et parmi les ouvriers étrangers, ce sont en grande majorité des Russes et des Ukrainiens qui seront employés. En 1921, la femme du directeur de l'usine, Mme Lansoy, ayant des liens avec la haute société russe, prend contact avec des personnalités influentes, dont Nathalie de Miller, la femme du général Wrangel, pour accueillir des réfugiés russes. De 1921 à 1926, plus de 2 000 Russes et Ukrainiens arrivent à Châlette, représentant plus de 50 % des étrangers embauchés à l’usine.
Extrait de l'ouvrage Les Ukrainiens en France. Mémoires éparpillées, de Jean-Bernard Dupont-Melnyczenko.
En 1926, Michel Votchel est domicilié à Corbeilles, dans le Loiret, où il exerce le métier d'ouvrier d'usine. Le 6 février de cette même année, il épouse Katarzyna Tokarz, née à Zbydniów, en Pologne.
De cette union naissent trois enfants : Eugeniusz, né à Corbeilles le 30 août 1926, Zofia, née le 4 mars 1930 à Corbeilles, et Emilia, née en Pologne le 20 septembre 1928.
Tous leurs descendants vivent en Pologne, et leur patronyme s'écrit Wotszel.
En 1932 et 1933, Michel écrit au service des réfugiés pour obtenir des certificats de naissance. Il explique que sa mère est décédée en 1921, mais qu'il ignore si son père est toujours en vie, ce dernier ayant été déporté comme travailleur forcé dans la région d'Omsk, en Sibérie. Dans un second courrier, il précise que tous ses proches ont été envoyés en travail forcé et qu'il n'a pas eu de nouvelles depuis sept ans.
Vers 1932, sa femme, Katarzyna Tokarz, et leurs enfants retournent vivre en Pologne. Selon les souvenirs de la famille, Katarzyna serait partie pour se soigner d'un problème respiratoire.
En 1936, Michel vit seul à Lorcy et travaille comme ouvrier pour l'Union française de fabrication d'engrais.
Le 5 octobre 1939, Michel Votchel s'engage volontairement pour la durée de la guerre au sein de l'intendance militaire d'Orléans. Selon la mémoire familiale, il semblerait que, sans nouvelles de sa famille en Pologne, Michel ait cru que sa femme et ses enfants étaient décédés, ce qui l'aurait poussé à rejoindre la Légion étrangère.
Michel Votchel est incorporé au 11e REI, au sein de la 3e compagnie. Il participe aux combats de la campagne de France et est porté disparu au mois de mai 1940. À partir de cette date, sa famille ne reçoit plus de nouvelles de lui.
Un dossier de recherches est ouvert, accompagné d’une enquête administrative. Après la guerre, en 1946, son beau-frère, Philippe Szurgot, dépose une demande de régularisation d’état civil pour les "non-rentrés", Michel n’étant jamais revenu à son domicile.
En mai 1947, le service des successions informe que les effets personnels de Michel Votchel avaient été envoyés en juillet 1941 par le chef de secteur de l’état civil de la Meuse. Sa succession comprenait un certificat russe, un testament, un portefeuille, un porte-monnaie et la somme de 182 francs. Il est précisé que Michel est inhumé au cimetière de Rigny-Saint-Martin, dans la tombe n°14.
En juillet 1947, le ministère des Anciens Combattants adresse un avis de décès au consul de France à Varsovie, avec la demande de prévenir la famille de Michel Votchel en Pologne, en prenant tous les ménagements nécessaires.
En 1950, son corps est réinhumé à Corbeilles, et son état civil est définitivement rectifié en 1953.
De sa famille restée en Russie, Michel Votchel n'aura plus eu de nouvelles à partir de 1926.
En 1956, près de 35 ans après son départ de Russie et 16 ans après sa mort, une lettre tamponnée de Barnaoul (БАРНАУЛ) lui est adressée. Grâce au premier dégel suivant la mort de Staline, sa sœur Francisca parvient à écrire depuis le village de Rasskazicha. Elle lui annonce qu’elle est veuve et qu’elle a été déportée en Sibérie. Elle évoque également le destin tragique de leurs frères : Jochanes, Walentin* et Nikolay*. Ces derniers ont été déplacés en 1937, et elle n’a plus aucune nouvelle d’eux depuis. Elle ajoute qu’Adam est décédé en 1934, tout comme leur sœur Katarina en 1921.
Walentin Mihailovitch Votchel (Вотчаль Валентин Михайлович), né en 1913, a été arrêté le 16 décembre 1937, condamné le 12 janvier 1938, puis exécuté le 2 février 1938.
Nikolay Mihailovitch Votchel (Вотчель Николай Михайлович) allemand né en 1916, forgeron, travaillant dans une usine métallurgique. Il a été arrêté le 30 décembre 1937 et condamné à 10 ans de camp de travail.
Merci à Natalia pour les documents et les informations sur son arrière grand-père.
Elle recherche toutes informations sur sa famille, si vous en savez un peu plus n'hésitez pas. Les descendants de Michel Votchel/Вотчель sont tous polonais et leur patronymes s'écrit Wotszel
Mise à jour du 21/07/2022 Lettre de Michel Votchel
Sources principales;
- documents de la famille Wotszel en Pologne
- https://archives.ofpra.gouv.fr/
- SHD Caen AC 21 P 168761