11è REI, EVDG
Le 8 mai 1940, Michel Votchel de la 3è compagnie qui se trouve dans le secteur de Burtoncourt part en permission de détente.
Le 10 mai, en raison de l'invasion de la Belgique par les allemands, les permissions sont suspendues.
Les archives du régiment ne précisent pas à quelle date Michel est rentré de permission, mais dans son dossier de mort pour la France, le maire de Lorcy précise qu'il n'a pas été revu à son domicile depuis le mois de mai 1940. Michel a donc pu faire le trajet jusqu'à Lorcy avant d'être rappelé dans son régiment.
C'est dans cette commune que résident les membres de sa famille par alliance.
Le 29 mai 1940, Michel Votchel envoie une dernière lettre à sa famille. Il l'écrit depuis les bois d'Inor où le 27 mai, le régiment subit une attaque allemande qui fait de nombreuses victimes, tuant notamment le capitaine Emanuelli commandant sa compagnie.
La lettre est rédigée en polonais sur du papier à en tête du régiment. Michel n'indique pas le lieu où il se trouve.
Elle est adressée à ses beaux frères:
Il peut s'agir de Jaszek Tokarz, de Józef Drozd domiciliés à Lorcy, et de Jan Chmielowiec demeurant à Corbeilles en Gâtinais.
Philippe Szurgot qui s'est engagé pour la durée de la guerre, s'il n'a pas été renvoyé dans ses foyers à Lorcy, se trouve dans un régiment de marche. C'est ce dernier qui en 1946 fait une demande de recherche pour un "non rentré"; il indique que Michel n'a plus donné de ses nouvelles depuis mai 1940. Il parle certainement de la lettre ci-dessus.
"Kochani szwagrowie i dzieci,
Piszę do was parę słów i dowiaduję się o waszym miłym zdrowiu oraz o powodzeniu, bo co się tyczy mnie to daj Bogu dzięki już jestem zdrów czego i wam życzę od Pana Boga byłem trochę raniony ale bardzo mało tak że nawet kompani nie opusciłem, no i dziś już dobrze.
A że tak długo nie pisałem to się nie gniewajcie, bo wiecie jaki czas dziś a jeszcze jak my się znajdowali w krytycznym położeniu, może będzie pisało w gazetach o naszej bitwie coś my rozbili całą dywizje niemiecką, no a wojny wam opisać nic nie mogę bo nie można, może kiedy indziej napiszę więcej, tak pozdrawiam was mile i serdecznie po nie zliczony razy. całuje was mocno. do miłego zobaczenia się z wami co daj Boże kiedy doczekać jeszcze, więc pozdrówcie wszystkich i powiedzcie że niech się nie gniewają że nie piszę osobliwie bo nie mogę, myślę że każdy rozumie dzisiejszy czas wojny.
zostajcie z Bogiem i zdrowe
Wasz szwagier Michał"
"Chers beaux-frères et enfants,
Je vous écris quelques mots et je prends de vos nouvelles, espérant que vous êtes en bonne santé et que tout va bien pour vous. En ce qui me concerne, Dieu merci, je suis en bonne santé à présent, ce que je vous souhaite également de tout cœur.
J’ai été un peu blessé, mais très légèrement, si bien que je n’ai même pas quitté la compagnie, et aujourd’hui tout va bien.
Ne m’en veuillez pas de ne pas avoir écrit plus tôt, vous savez bien les temps que nous vivons, et nous nous trouvions dans une situation critique. Peut-être que les journaux parleront de notre bataille – nous avons anéanti toute une division allemande. Mais je ne peux pas vous en dire plus sur la guerre, c’est interdit ; peut-être une autre fois, j’écrirai plus.
Je vous adresse mes salutations les plus chaleureuses et affectueuses, un nombre incalculable de fois. Je vous embrasse fort. En espérant vous revoir un jour, si Dieu le permet.
Saluez tout le monde de ma part et dites-leur de ne pas m’en vouloir si je n’écris pas personnellement à chacun – ce n’est pas possible. Je pense que chacun comprendra les temps que nous vivons.
Que Dieu vous garde et vous garde en bonne santé.
Votre beau-frère, Michał"
Tout en respectant la censure, Michel évoque l'offensive allemande dans le bois d'Inor, soulignant l'exceptionnalité de ce combat. Un seul régiment de Légion, le 11è REI, a réussi à repousser plusieurs assauts d'une division allemande et à conserver ses positions.
À partir de cette date, Michel ne pourra plus écrire ni envoyer de lettres à sa famille. Le régiment, qui continue de tenir le secteur, reçoit l'ordre d'abandonner ses positions à partir du 10 juin. Michel prend alors part à une marche de retraite ininterrompue, qui le mène jusqu'à Saint-Germain-sur-Meuse le 18 juin 1940, où le régiment s'arrête pour ralentir l'avancée ennemie.
La 3e compagnie du 11e REI est déployée à Ugny, où elle surveille les ponts traversant la Meuse. Le 19 juin, à 1h du matin, la compagnie se retire après avoir fait sauter les ponts et rejoint à 9h les débris du régiment, qui se croit à l'abri à la ferme des Quatre-Vaux. L'ennemi est rapidement repéré, et une attaque débute à 17h, durant une heure. À 18h, la 3è compagnie ne compte plus que 35 légionnaires.
Michel Votchel ne survivra pas à cet ultime combat. Son corps sera retrouvé sur la parcelle dite de Saufrignon, puis inhumé dans le cimetière communal de Rigny-Saint-Martin. À la demande de sa famille, originaire de Lorcy, son corps sera restitué en juin 1950. C'est son beau-frère, Philippe Szurgot, qui prendra en charge les formalités administratives.
Sources principales:
- archives famille de Michel Votchel
- Archives du régiment (Aubagne)
- https://gallica.bnf.fr/; Journal Le Libérateur de la région du Gâtinais 14/06/1950
@Natalia, Wielkie dzięki 😉