11è REI, Brigades internationales, réserviste
Mehmed Rechad, né le 22 avril 1899 à Scutari (un faubourg d'Istanbul en Turquie), est le fils de Pacha Bey Mehmed, directeur général du commerce, et d'Hanoum (ou Harroun) Neir Emine. Diplômé en 1915 du lycée de Galatasaray en lettres et en sciences, il poursuit ses études à Berlin entre 1916 et 1920, où il se spécialise en sciences politiques.
En 1922, Mehmed Rechad fait partie de la délégation turque lors de la Conférence de Lausanne, qui visait à négocier un traité pour remplacer le traité de Sèvres, qui n’était plus reconnu par le gouvernement turc dirigé par Mustafa Kemal Atatürk. Après cette mission, il démissionne en 1923 et rejoint Said Molla, ancien ministre turc, en Roumanie.
Lors de la mobilisation générale en 1939, Mehmed Rechad est rappelé sous les drapeaux et devient légionnaire de 2e classe, bien que son nom ne figure pas dans le Journal de Marche et d'Opérations (JMO) du 11e Régiment Étranger d'Infanterie (REI). Cependant, il apparaît sous le nom de "Rechad Bey" dans une liste de citations concernant les légionnaires du 11e REI publiée au Journal Officiel du 12 décembre 1941, ainsi que dans la revue du régiment. Son parcours militaire est notable, car avant de passer dans la réserve, il avait été lieutenant, mais avait été rétrogradé à son grade de légionnaire de 2e classe.
Mehmed Rechad s'engage à la Légion étrangère le 29 avril 1924. Mesurant 1,55 m, il a les cheveux roux et les yeux marron. Polyglotte, il parle couramment le turc, l'allemand, le français, l'anglais, l'arabe et le roumain. Le 12 août 1925, il est nommé sergent et participe à la campagne de Syrie avec le 4e régiment étranger d'infanterie (REI). En 1926, il est cité à l'ordre de la division pour son rôle lors de la campagne des Druzes.
En 1927, il est affecté au 1er REI et se prépare pour le concours d'entrée à l'école de Saint-Maixent. En octobre 1929, il réussit le concours, se classant 69e sur 159 candidats. Il est nommé sous-lieutenant le 1er octobre 1930. Le 22 mai 1931, il se marie avec Andrée Louise Faussabry à Niort, et ils auront deux enfants.
En 1932, il est promu lieutenant et devient chef de section d'une compagnie de fusiliers-voltigeurs. Cette même année, sa demande de naturalisation est ajournée en raison de son séjour en Allemagne durant la Première Guerre mondiale, jugé incompatible avec un loyalisme total envers la France. Cependant, en 1935, il est finalement naturalisé français et inscrit dans la 3e partie de la liste de recrutement de 1935 du bureau de Marrakech sous le matricule 531.
En 1937, il est désigné pour les renforts du Tonkin avec le 5e REI. Après un séjour en Indochine, il quitte Haiphong le 29 avril 1938 en tant que rapatrié sanitaire et arrive à Marseille le 2 juin 1938. Il est réaffecté au 1er REI et bénéficie d'une permission de 30 jours, valable du 14 juin au 13 juillet 1938.
Le 26 septembre 1938, Mehmed Rechad est arrêté à Paris par les gendarmes. Le 17 octobre 1938, il est incarcéré à la prison militaire d'Oran. Son comportement est décrit comme celui d'un homme intelligent et actif, mais orgueilleux et susceptible, avec une tendance à être joueur. Il est aussi mentionné qu'il est accablé de dettes, dont certaines témoignent d'un manque de sens moral.
Traduit en justice devant le tribunal militaire d'Oran, il est condamné à 3 mois de prison avec sursis et à la perte de son grade pour "désertion à l'intérieur en temps de paix". Il tente un pourvoi en cassation, mais celui-ci est rejeté le 31 mars 1939. Le 13 avril 1939, il annonce se retirer à l'hôtel Atlas, situé rue de la vieille mosquée à Oran. Enfin, le 16 mai 1939, il est placé dans la réserve en tant que légionnaire de 2e classe.
Le 15 juillet 1938, Mehmed Rechad est déclaré manquant à l'appel du matin, puis en absence illégale à partir du 16 juillet. Le 31 juillet, à 0h00, il est officiellement déclaré déserteur. Son dossier ne mentionne cependant pas de manière explicite qu'il ait tenté de rejoindre les Brigades internationales.
Le 7 août 1938, il se trouve à l'hôtel Montesquieu à Lyon, où il cherche à rejoindre les républicains espagnols. Il explique ses déboires personnels, précisant que sa femme l'a quitté pour un officier. Pendant sa permission, il aurait tenté de la retrouver, mais, se retrouvant sans ressources et en situation d'absence illégale, il décide de se rendre en Espagne. Il se déclare républicain, bien qu'il précise ne pas appartenir à un parti politique. Le recruteur qui le rencontre lui permet de partir, mais semble regretter sa décision en pensant avoir commis une erreur.
Le 5 septembre 1939, rappelé sous les drapeaux, Mehmed Rechad est dirigé vers le camp de la Valbonne le 21 octobre 1939. Il est affecté au 11e régiment étranger d'infanterie (11e REI), 11e compagnie, dans la section du lieutenant Levacher. Pendant les combats, il se distingue particulièrement et est cité à l'ordre de la division pour sa "très belle conduite au feu" le 24 mai 1940, lorsqu'il s'est infiltré pour écouter une ligne téléphonique ennemie, restant seul toute la nuit entre les lignes. Il se fait à nouveau remarquer le 27 mai 1940 et entre le 10 et le 22 juin 1940, durant les combats en retraite. Il est salué pour son dévouement, demeurant fidèle aux plus belles traditions de la Légion. Le 22 juin 1940, il se porte même volontaire pour une mission de sacrifice, mission qui n'a finalement pas été exécutée.
Mehmed Rechad est fait prisonnier le 23 juin 1940, interné successivement à Saint-Mihiel puis à Commercy, où il sert d’interprète pour la Kreiskommandatur. Le 5 février 1941, il parvient à s'évader et traverse la ligne de démarcation le 7 février. Il arrive à Oran le 15 février 1941 et est démobilisé le 18 février de la même année.
Le 18 décembre 1942, une révision de sa naturalisation est demandée par le gouvernement de Vichy, qui retire sa nationalité française par décret du 7 septembre 1943, conformément à la loi du 22 juillet 1940.
Après le débarquement allié en Afrique du Nord, Rechad est placé en internement administratif, puis en résidence surveillée à Relizane. Le 24 mai 1944, le Comité français de Libération nationale, réuni à Alger, abroge l’acte du 22 juillet 1940, annulant pratiquement toutes les dénaturalisations opérées pendant la guerre. Cependant, après la Libération, plusieurs centaines de collaborationnistes, notamment d'origine italienne ou allemande, perdent leur nationalité française, une déchéance prononcée dans 479 cas entre 1944 et 1953.
En 1945, une nouvelle demande de retrait de nationalité est formulée en raison de sa condamnation pour désertion en 1939, mais elle semble être rejetée, probablement en raison de son amnistie.
Le 11 juin 1946, une autre demande de déchéance est introduite, en vertu de l'article 98, paragraphe 4 du Code de la nationalité française, qui permet de retirer la nationalité à une personne ayant agi contre les intérêts de la France au profit d’un État étranger. Toutefois, le 16 mars 1948, les griefs sont jugés insuffisants et son dossier ne contient plus d'éléments après cette date.
Sources principales:
- RGASPI 545/6/1021
- AN Pierrefitte sur Seine, BB/27/1439,
https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/UD/FRAN_IR_057229/denat11298